JO de Paris 2024 et aliénation sportive : rencontre avec Jean-Marie Brohm et le journal Le Chiffon, le journal de Paname et sa banlieue

| Le Chiffon

À l’occasion du numéro spécial consacré aux Jeux Olympiques de Paris 2024, l’équipe du Chiffon, le journal de Paname et de sa banlieue, le présentera en compagnie de Jean-Marie Brohm, auteur de Pierre de Coubertin, le Seigneur des anneaux (Éditions Quel Sport ?) // dès 20h dans la librairie (23 rue Voltaire, Paris XIe, m° Rue des boulets ou Nation).

Présentation du numéro spécial du Chiffon et débat avec Jean-Marie Brohm, initiateur de la théorie critique du sport, professeur émérite de sociologie à l’université de Montpellier III. Auteur entre autre du Mythe olympique, Coubertin et la religion athlétique.

Extrait de l’entretien à retrouver dans Le Chiffon :

Le Chiffon – Quand le sport apparaît-il ? Est-il consubstantiel à l’activité physique humaine ?

Jean-Marie Brohm – Il y a deux réponses possibles. La première provient de l’idéologie sportive traditionnelle. Des auteurs très sérieux expliquent que depuis des temps immémoriaux l’homme est un sportif qui pratique la natation, la course, la lutte, la boxe, etc.

La seconde réponse cherche à distinguer plusieurs choses. D’une part, elle rappelle qu’il y a des « activités corporelles » constitutives de l’humain depuis son hominisation. C’est ce que le grand anthropologue Marcel Mauss va appeler les « techniques du corps ». C’est le fait de savoir marcher, sauter, courir, nager, faire l’amour, accoucher, etc. Ces techniques du corps sont en partie variables d’une culture à l’autre et peuvent être considérées comme des activités physiques.

D’autre part, il y a le « sport » proprement dit, c’est-à-dire l’institution de la compétition physique codifiée. On le voit apparaître dans l’Antiquité. Mais il y a une césure très nette entre le sport dit « antique » (Grec) qui était un acte cultuel et le sport dit « moderne ».

Globalement, le sport moderne commence à se forger vers 1750 en Angleterre, c’est-à-dire là où le capitalisme s’ébauche . Les premiers sports institués avec des fédérations, des règlements, des records, vont être le rugby, le football, l’athlétisme, l’équitation et le tennis.

Le sport s’organise autour de trois caractéristiques majeurs. Primo, la compétition systématique comme finalité. Secundo, l’entraînement régulier comme préparation à la compétition. Tertio, l’insertion dans une structure institutionnelle organisant et contrôlant l’activité sportive (fédérations, clubs, comités, etc.) selon des règles strictes (classes d’âge et de poids, licences, conditions d’accès aux épreuves, etc.). Mais les frontières entre activités physiques et pratiques sportives peuvent être perméables. En outre, il y a une tendance à la professionnalisation (via le salariat) des sportifs, c’est-à-dire leur transformation en capital. C’est ce qu’entament les premiers clubs anglais de football qui vont ensuite s’exporter en France, notamment au Havre.

En somme, je distinguerais les « techniques du corps » spécialisées de l’être humain – que l’éducation physique contemporaine permet de stimuler – et le sport proprement dit qui est éminemment lié au capitalisme.

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